samedi 4 septembre 2010

Varanasi et la vallée du Gange


Notre passage en avion du Sud-Est Asiatique au sous-continent Indien, le 13 Mai 2010


Voyage en train depuis le Bengal occidental vers l'Uttar Pradesh, en passant par l'Etat d'Orissa.


Traversée des sites historiques de la vallée du Gange

Varanasi (Bénarès)

Passage obligé pour tous ceux qui s'intéressent à la culture de l'Inde, Varanasi est LA ville sacrée du pays. C'est le lieu où tout Hindou rêve de brûler après sa mort, où il faut venir se baigner pour ainsi se purifier des actes qui pourraient altèrer le karma, où sadhous et gourous prodiguent leurs conseils aux plus désorientés... Cette cité, vieille de 3 millénaires, est sans conteste le coeur de l'hindouïsme; nous profitons donc de ce séjour d'une semaine pour évoquer cette si fascinante religion.
En Inde, 80% des habitants sont hindouistes. 14% appartiennent à l'Islam, et le reste se fragmente enfin une multitude d'autres religions (jaïnisme, sikhisme, christianisme...). L'omniprésence de l'hindouïsme ne doit cependant pas masquer la diversité des cultes et des croyances qui caractérisent cette religion. Depuis les années 1960, de nombreux Occidentaux viennent s'y installer, en quête de sens et de questions auxquelles notre monde n'a pas su donner de réponse. On a d'ailleurs rencontré plusieurs Blancs qui, bien qu'y vivant depuis plus de 10 ans, y sont encore à chercher la sortie de ce labyrinthe méandreux. On ne peut que leur souhaiter bonne chance. Car face à plus de 30 millions de dieux et tout autant de gourous, le voyageur qui daigne s'intéresser à cette spiritualité est, à notre sens, quasi-certain de s'y égarer.
Pour tracer une esquisse grossière de cette religion, rappelons que ce culte polythéiste est vieux d'environ 3500 ans, n'a ni prophètes, ni dogmes centraux et que malgré l'existence d'un certain nombre de livres et épopées sacrées, sa transmission se fait surtout par tradition orale au sein de la famille et du village. Le système de castes, qui précède la naissance de cette religion, y a puisé de nombreux éléments de légitimation. Les Brahmanes (environ 5% de la population) sont ainsi en charge de la vie spirituelle des Indiens, mais leur "pureté" innée leur interdit de rentrer en contact avec un certain nombre d'autres sous-castes. Si bien que l'encadrement religieux dans la société varie de nature selon la place qu'on occupe dans la hiérarchie. La pratique religieuse en ressort donc grandement différenciée d'un milieu à un autre. Et la plupart des Indiens, ceux notamment qui appartiennent aux castes paysannes, sont donc étrangers à l'immense variété des croyances et interprétations que les gourous, sadhus et autres "chercheurs" en hindhouisme s'évertuent à proférer et diffuser dans les temples ou lors des fêtes religieuses. En tant qu'étrangers, il ne nous a donc pas apparu nécessaire de trop approfondir cette religion, dont on a eu l'impression d'entendre à la fois tout et son contraire. Nous nous sommes plutôt intéressés à son essence, celle qui se perpétue de génération en génération, que le peuple imprime dans sa conscience et qui nous a été expliquée par les quelques personnes que nous interrogions. Dans ses grandes lignes, la cosmologie hindoue s'installe dans une hiérarchie des divinités. Tout d'abord Brahma le créateur, Vishnu le protecteur et Shiva le destructeur. Viennent ensuite une dizaine d'autres divinités majeures qui sont plus ou moins vénérées selon la région, l'époque, ou la catégorie sociale des hindous. Il y a par exemple Laxmi, la déesse du commerce et de la prospérité; Hanuman, le dieu-singe intrépide, héros des jeunes ados; Parvati, épouse de Shiva, ce qui, lorsqu'on connaît le bougre, suffit à justifier la dévotion pour cette déesse; Ganesh, dieu de la sagesse et de l'éducation, ou encore Krishna et Rama qui sont des avatars incarnés sur terre par Vishnu pour combattre le mal. Viennent ensuite toute une ribambelle de divinités mineures. Il en apparaît chaque jour des dizaines, il apparaît donc inutile de s'y étendre.
Dès sa naissance, le bébé hindou voit son existence s'inscrire dans un certain nombre de règles religieuses et sociales strictes qui sont propres à sa caste. On considère généralement que son positionnement dépend des actes qu'il a proférés dans sa vie antérieure. En gros, s'il a été gentil, il se réincarnera dans une caste élevée, et s'il a été très méchant, il sera un intouchable. Cette justice implacable se définit donc selon le karma; il s'agit de cette partie intangible de nous-même qui se transmet d'une réincarnation à l'autre et sur laquelle s'inscrivent nos actes et notre degré de spiritualité. C'est ce karma qui va déterminer le positionnement de notre prochaine existence. Il est donc très important pour un Hindou de préserver cette entité. Et tout comme les catholiques qui vont s'enfermer avec un curé dans un confessional pour se laver de leur péché, et les musulmans qui s'en vont à la Mecque, les hindous ont eux aussi tout un tas de recours pour améliorer ce si précieux karma. Le plus fameux d'entre eux est le bain dans la rivière sacrée du Gange sur les quais de la ville sainte Varanasi. Il semble donc important, pour saisir la magie et le sacré qui opèrent sur ce lieu, de retenir ces éléments.




Vue depuis notre chambre. Pour 2,50€ la nuit, nous jouissions vraiment d'un spectacle incroyable. On perçoit ici les ghats (quais) le long desquels s'étend la ville moyenâgeuse qui chaque jour célèbre la rivière sacrée du Gange.



Il est très pratique d'observer la vie religieuse qui s'y déroule depuis une barque. On suit ainsi tranquillement l'alignement des ashrams (lieux de méditation) et des palais de vacance des maharadjahs qui depuis des siècles y viennent se ressourcer ou tout simplement achever leur existence.



Lieu de crémation, où les corps des défunts sont brûlés sur des bûchers en plein air. Il était interdit d'y photographier de trop près. Pour les amateurs de curiosités morbides, il est par contre autorisé de s'y arrêter. On vous passe les détails des odeurs de barbecue et des partie mal cuites qui flottent dans l'eau...



Oh puis si, on vous montre quand même... Car c'est aussi ça la réalité de cette ville. Les familles n'ayant pas les moyens de se procurer suffisamment de bois pour bien consumer leur bien-aimé, se contentent de jeter les corps à peine calcinés, une fois la nuit tombée. Mal lestés, certains cadavres remontent à la surface et sont progressivement dévorés par les corbeaux et les poissons sous le regard des touristes ahuris. Cette odeur permanente de mort bouscule évidemment tous les visiteurs qui s'y rendent.



Bain matinale des croyants. C'était pourtant bien tentant, mais on ne les a pas imités. Notre quête de sensations fortes y a atteint ses limites.



Dans cette région de l'Inde, après Shiva, la star c'est Ganesh, le fils de Shiva avec une tête d'éléphant qui veille sur la scolarité des enfants. Chaque jour, les prêtres recouvrent sa sculpture d'une couche de peinture orange et les pélerins, pour obtenir ses faveurs, s'en imprègnent le doigt pour se marquer le front. Comme ça, on peut montrer à ses parents qu'on a bien été prier après l'école.



Dans toute l'Inde, Varanasi est également réputée pour ses saris et ses étoffes de soie. Dans le quartier musulman, on peut voir les familles s'atteler à l'étirage des fils de soie, tout juste retirés de leur bain de pigmentation.



J'ai pourtant essayé de leur ressembler en me laissant pousser la barbe. Rien n'y fait, il est impossible de passer inaperçu.



Cet homme poinçonne de multiples plaques de métal qui vont ensuite permettre à la machine de tisser dans une orientation définie. Dans les multiples entrelacements des fils de couleur, ces plaques permettront ainsi de reproduire les motifs inscrits sur le modèle dont s'est inspiré notre "poinçonneur de la soie".



L'ambiance mystique de la ville s'invite même dans les marchés de rue.



Au petit matin, les élèves d'un ashram font leur yoga dans la contemplation du Gange.







Ce sadhu recouvert de cendre, quant à lui, réalise une "puja" en offrant aux divinités, par un rituel bien connu de tous les Hindous, les marques de son adoration. Un peu plus tard, il nous invitera à le rejoindre dans son ashram. Face à notre refus, il nous rétorquera qu'on peut toujours le contacter sur Skype et Facebook.



Il est difficile de retranscrire par l'image et les mots l'atmosphère dont se pare cette incroyable cité. On ne peut qu'inviter le lecteur à venir lui-même y mettre les pieds, et découvrir la beauté que la spiritualité indienne offre à travers les reflet du Gange et de ses aubes colorées.



Khajuraho


A trois cent kilomètres au Sud-Est de la cité sacrée, se dressent les temples de Khajuraho, à l'emplacement de l'ancienne capitale du royaume Chandela.



Comme sur le site d'Angkor au Cambodge, ces temples ont longtemps été abandonnés et recouverts par la végétation. Datant du Xe siècle, on ne retrouvera ces vestiges qu'au milieu du XIXe siècle. Un classement au patrimoine mondiale de l'Unesco et d'innombrables restauration plus tard, les gravures et sculptures de ces temples offrent à ses visiteurs un témoignage formidable de la société Indienne du Moyen-âge.



Aux scènes de la vie quotidienne se joignent des scènes érotiques qui démontrent la liberté des moeurs dont une partie de la société Indienne jouissait autrefois. Bien qu'assumant parfaitement cet héritage, les Indiens d'aujourd'hui ne sont pas moins très éloignés de cette forme d'expression artistique , notamment connue grâce aux textes sacrés du Kama Sutra. Les théories historiennes les plus sérieuses attribuent le développement du puritanisme en Inde à l'invasion des Moghols musulmans entre les XIVe et XVIe siècles. Ceux-ci auraient ainsi instauré le port du sari par les femmes, et proscrit toute forme d'allusion à "la chose".



Bien en avance sur notre perception pourtant débridée de la pratique sexuelle, les artisans ne se gênaient pas pour évoquer les bizarreries que la frustration sexuelle générait chez les soldats envoyés au combat...







Des 85 temples originairement construits, il en reste aujourd'hui 22, comme celui-ci, qui sont disséminés sur le territoire.



Ici aussi, nous invitons nos lecteurs à zommer sur la photo et ainsi s'inspirer de la truccultente imagination des Indiens, pour qui l'obtention du plaisir de la femme était jadis élevée au rang de dogme.



Khajuraho est aussi un village typique de la campagne du Madya Pradesh. Ici, des femmes en pleine discussion dans un quartier brahman.







On n'insistera jamais assez sur le charme des maisons indiennes. On regrette seulement que les portes des familles que nous rencontrons nous soient moins souvent ouvertes qu'en Asie du Sud-Est...



Il y a heureusement quelques agréables exceptions à cette impression. Cette femme montre ainsi à Caro ses talents de dessinatrices en appliquant sur sa peau des motifs floraux de hénné.



Banale scène de bain collectif... Dans les villages, la jouissance d'un point d'eau dépend de son emplacement, mais surtout de la caste à laquelle celle-ci est destinée. Des gens nous ont expliqué que cette fontaine avait été installée par le gouvernement et était destinée aux castes basses qui n'avaient jusqu'alors pas le droit de profiter des puits profonds de ceux de rang plus élevé. On prend ainsi la mesure des moyens par lesquels le gouvernement combat aujourd'hui le pluri-millénaire système de castes.







Comme toujours, nous prenons le train. Et comme toujours, ceux-ci sont pleins à craquer...



On a eu la chance d'avoir des places assises, car à mesure qu'on progressait, le nombre de passagers debouts augmentait... jusqu'à ce qu'on soit empaquetés comme de la volaille, qu'on ait deux enfants assis sur chacun des genoux, et qu'on ait juste assez d'air pour respirer.



Orchha

Ancienne capitale du royaume d'Orccha, la petite taille de cette ville étonne par son association avec de si imposants monuments.



Pour illustrer son isolement géographique, à quelques centaines de mètres de la précédente photographie, on trouve déjà les cénotaphes des anciens maharadjas s'élevant des bois (les couleurs et la qualité de cette image sont propres à l'usage de la fonction "photo" de ma petite caméra).



L'immense temple Chaturbhuj, et ses façades que d'innombrables macaques ont pris pour terrain de jeu.



Le palais Jahangir Mahal, lui aussi abandonné par ses maîtres et qu'il est très agréable d'arpenter en fantasmant la vie de cour des illustres princes d'Orient.







Du faste de l'époque, il ne subsiste aucun mobilier. Juste quelques fresques accolées aux parois...



... qui font référence au raffinement et à la simplicité de l'art arabe, mais qu'il nous est quand même bien difficile de déchiffrer.



On reconnaît ici néanmoins un extrait de la légende du Râmâyana.


Gwalior


Surplombant la ville depuis une haute plateforme rocheuse, le mythique fort de Gwalior impressionne le voyageur par sa majesté.



L'intérieur, quant à lui, intrigue. Pièces secrètes, système de télécommunication à travers de minces tunnels le long des cloisons, multiples harems... Le palais Man Mandir comporte aussi son lot de légendes incroyables.



Sur le flanc Nord de la colline, le long de la route menant au palais, un ensemble de grottes abritent des statues "jaïnes" (religion réformatrice de l'hindouisme fondée au IXe siècle av-JC) datant du XVe siècle. La représentation de ces ascètes jaïns rappelle immanquablement l'iconographie bouddhiste.


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