lundi 23 novembre 2009

Centre du Vietnam: le littoral

Après notre traversée pédestre du Delta du Mékong, nous avons entrepris de découvrir, 2 mois durant: le Centre du Vietnam (ses Hauts Plateaux, son littoral) ainsi que le Nord (Hanoi, capitale et coeur politique du pays, les montagnes du Nord et la baie d'Along). Cette fois-ci, faute de temps, nous avons opté pour des déplacements en bus ou à moto. Cela nous a permis de voir une incroyable diversité de paysages, très différents du Sud Vietnam, mais aussi de mieux percevoir les identités multiples du pays, au-delà des mythes fondateurs et de la figure Ho Chi Minh qui fait consensus. Cette diversité se manifeste notamment à travers la survivance de nombreuses minorités ethniques, concentrées dans les Hauts Plateaux du Centre comme dans les montagnes du Nord. Certaines sont déjà à un stade avancé du processus d'assimilation, d'autres résistent davantage aux ingérences extérieures. Enfin nous avons remonté le temps en découvrant les vestiges d'anciennes civilisations, comme celle du royaume Cham indianisé qui régna durant plusieurs siècles sur le Centre littoral du Vietnam. Thibaut et moi avons été particulièrement touchés par son art...en nous rendant à Hué, cité qui dévoile un pan de l'histoire impériale vietnamienne...ou encore à Hoi An, magnifique ville chinoise ayant échappé aux bombardements et qui garde les empreintes d'un temps prospère où elle fût un des ports de pêche les plus influents d'Asie au 17è siècle.
Voici pour l'instant un aperçu du Centre Vietnam: une partie consacrée au littoral et une autre aux Hauts Plateaux. Les photos du Nord viendront un peu plus tard...



Tracé de notre parcours à moto depuis Hoi An



Centre du Vietnam : le littoral... Septembre 2009...




Port de Hoi An, qui prospéra en Asie au XVIIe siècle.



Après l’enlisement de l’estuaire, le commerce se déplaça et permit à Hoi an de subsister à l’écart des conflits et de conserver ainsi toute son authenticité.



Lorsqu'on erre dans Hoi An, malgré la horde de touristes qui malheureusement tend à transformer ce lieu en ville-musée, on a l'impression de se retrouver projeté dans l'époque des riches marchands maritimes.



On longe une succession de temples chinois, de pagodes et de riches demeures.



Logés dans le temple d'une famille cantonaise, ces deux personnages sont les disciples de la déesse protectrice des marins. L'un est doté d'une ouie particulièrement fine...



L'autre d'une vue de lynx.






Rencontre insolite avec un descendant d'une de ces familles de commerçants maritimes. Le salon de sa maison, qu'il expose fièrement à la vue de tous, est tapissé de céramiques collectionnées par ses ancêtres depuis 4 générations, au gré des expéditions. Nous avons croisé plusieurs descendants de riches marchands aujourd'hui déchus qui, vivant parfois dans le confort minimum, mettent tout ce qu'ils ont dans l'entretien de leur maison.



Dans l'une de ces maisons, les habitants ont marqué au fil des années le niveau atteint par l'eau lors des inondations qui ont touché Hoi An. Le trait que vous voyez en haut, qui date de 2007, me dépassait d'une tête. Habituées à être sous les eaux au moment de la mousson, ces maisons chinoises sont toutes équipées d'une trappe qui, dans chaque pièce, permet de monter toutes les affaires à l'étage.









Marché de poisson






Les habitants de Hoi An sont également de très bons artisans. Ici, confection de tableaux à partir de fils de soie.



Dans les peintures laquées, il est fréquent d'apposer des éclats de coquille d'oeuf de canard puis de les laquer. Un travail minutieux.



Métier à tisser.



Ossature des fameux lampions chinois mise à sécher avant d'être utilisée.



Le squelette en bois est recouvert de morceaux de soie.






Petite empreinte de l'ère coloniale: une enseigne "Shell".



Une anecdote que je souhaite raconter, qui reflète très bien la manière dont les locaux se jouent des touristes en quête "d'exotisme", en se mettant en scène. Cette photo fût prise sur la rivière de Hoi An, en avril, alors que je faisais un peu de tourisme avec ma mère venue me rendre visite à ce moment-là. Cet homme approcha notre petit bateau avec l’une des barques typiques de cette région: une sorte de panier en demi-sphère fait de cordage, coqué avec du goudron pour garantir son étanchéité. Les pêcheurs du coin l'utilisent quotidiennement. Or ce bonhomme, surgissant de nulle part, le regard fier et fixe, commença à faire des flexions avec ses jambes pour obtenir un effet de ressort et faire avancer la barque. Ca faisait des vagues, il avançait assez vite et le rendu était plutôt spectaculaire. Ma mère, assistant à cette drôle de curiosité, eut le réflexe de prendre une photo. Puis ce petit homme revint vers nous pour nous demander de l’argent. Or normalement, on manœuvre ces barques tout autrement et de manière bien moins spectaculaire: avec une rame. Voilà quelqu'un qui a parfaitement compris ce que les touristes recherchent, de l'insolite ou du "typique", et qui y répond parfaitement en se mettant en scène avec un outil de pêche traditionnelle. C'était plutôt amusant de voir ça.



Seconde mise en scène, ce même jour. Voici un couple de pêcheurs qui, à notre arrivée, jeta un filet doré utilisé pour les petites pêches. C’est vraiment beau à voir : on tient le filet en boule dans ses mains puis on le jette avec force devant soi. Avec ce coup de main, le filet se déploie dans l’air comme une pieuvre qui plonge ensuite dans l’eau pour capturer un maximum de poisson. C’est une véritable pratique ici, mais ce couple, de toute évidence, n’était pas là pour pêcher. Sans attendre que le piège se referme sur quelques poissons malchanceux, ils ont répété ce geste gracieux 6 ou 7 fois le temps de notre passage, le temps des photos, puis ont tendu la main pour recevoir un peu d’argent.



Ile Châm, à 2h de bateau de Hoi An.






Barques typiques du Centre.



Petite maman et grand bouddha! Montagne de marbre, 20 km au sud de Hoi An. Elle abrite un sanctuaire bouddhique. Dans chacune des grottes de cette colline se cachent des statues de bouddha ou de ducme auprès desquelles les pèlerins viennent se reccueillir.









Tout autour de cette montagne de marbre sacrée, s'est développé un artisanat basé sur l'extraction du marbre. Plusieurs centaines de familles en vivent.



Après quelques jours passés à Hoi An et aux alentours, nous reprenons la route du littoral, et traversons une campagne en pleine fin de récolte.






Ces paysans puisent l'eau dans une source et la transfèrent dans un champ pour l'irriguer. Travail de longue haleine aux gestes répétitifs et parfaitement synchronisés.









Tombeau familial.



Début de tempête.



Culture "sur brûlis".
En cette période de fin de récolte, les paysages se transforment beaucoup. Le vert intense des rizières qui donnait toute sa vitalité à la campagne vietnamienne se fait plus rare, et les terres prennent des teintes jaunes fatiguées, tout comme le sont ces hommes qui ont courbé le dos durant les mois de récolte. C'est aussi le moment de remettre les sols "à neuf" pour faciliter les prochaines cultures. Or dans cette région du Centre littoral que nous traversons, la pratique du "brûlis" semble courante: pour fertiliser les sols et y mettre de nouvelles semences, les paysans incendient les terres déjà grillées par le soleil. La région est alors enveloppée d'une épaisse fumée qui lui donne une allure surréaliste, presque fantomatique. (la photo n'en rend malheureusement pas bien compte!)



Il est toujours bon de demander son chemin... quoique...étant trop fiers pour reconnaître leur méconnaissance, beaucoup nous indiquent malgré tout une direction...quitte à nous mener à l'opposé de notre destination!



Ce regard séducteur et étrangement humain était destiné à Thibaut qui, à peine a-t-il pris la photo, a pris la fuite en voyant l'animal commencer à "se caresser"...


Fondations d'une maison dans le hameau de Son My, vestige du massacre perpétré le 16 mars 1968 par des soldats américains contre près de 500 civils vietnamiens. Le mot d'ordre de cette opération, programmée à l'avance, était la liquidation totale des habitants du hameau, pour faire office "d'exemple" et dissuader les civils d'aider la résistance vietnamienne. Un photographe de guerre accompagnait la troupe et a immortalisé le moment. Nous nous sommes rendus dans le musée exposant ces photos, horreur indescriptible. Révélée en 1969, cette tuerie provoqua un scandale international et renforça alors les mouvements contestataires et pacifistes.








La région Centre littoral conserve aujourd'hui de nombreux vestiges de la civilisation Cham, qui régna sur ces terres du 4è au 13è siècle, avant d'être vaincue par les vietnamiens.



Voute intérieure d'une tour cham. Lorsqu'on lève la tête, la profondeur est vertigineuse.









Originaires d'Inde, les chams ont importé la religion, l'art et l'architecture hindous, qui fût la culture dominante durant plusieurs siècles, avant d'être supplantée par le bouddhisme, et enfin aujourd'hui l'Islam (à l'heure actuelle, les chams du Vietnam ne sont plus que 200 000).



My Son fût l'un des sites sacrés du royaume. Malheureusement, en raison des pillages chinois, khmères et vietnamiens, et surtout après les bombardements américains (My Son servait alors de maquis viet-cong), il en reste surtout des ruines.



En premier plan, le "lingam": représentation phallique de Shiva, divinité hindoue symbolisant le pouvoir de destruction et de création. Comme ici, il est souvent encastré dans une base, le Yoni, qui représente le sexe féminin. Les croyants s'y reccueillaient en cas de problème de fécondité.



Danse traditionnelle Cham.



La plupart des kalans sont dédiés aux rois Cham et associés aux divinités. Plus particulièrement a Shiva, que les Chams considéraient comme le fondateur et le protecteur des dynasties de leur royaume. Outre les temples, s’y trouvaient des édifices monastiques et des maisons d’hôtes pour les pélerins.



Sur la route mandarine qui longe le littoral vers Hué, l'ancienne capitale impériale.



Passage par le "col des nuages", qui doit son nom au fait qu'il est constamment la tête dans les nuages. Sur quelques mètres de dénivelé, les paysages splendides de la côte disparaissent derrière le nuage.



Presqu’île de Lang Co, village de pêcheurs.

Hué et ses environs...fin septembre.


Nous avions convenu de passer seulement quelques jours dans cette ancienne cité impériale. Mais le typhon Ketsana qui a sévi aux Philippines avant de gagner le Centre Vietnam le 30 septembre, en a décidé autrement...Nous nous sommes d'abord projetés dans l'histoire impériale des Nguyen, dynastie qui régna sur le Vietnam au 19è siècle (Thibaut aurait-il du sang noble?!). Puis en moins de 24h, le typhon a soufflé des toits, déraciné des arbres et immobilisé toute la population. Un Vietnam fantomatique comme on ne l'avait jamais connu en près d'un an passé dans le pays. Les routes impraticables, nous sommes restés bloqués plusieurs jours. Mais tel le phénix (oiseau incontournable dans la mythologie vietnamienne), le peuple vietnamien semble avoir une étonnante capacité à renaître de ses cendres. Dès le lendemain du passage du typhon, tout le monde s'est attelé à colmater les brèches et la vie a repris. A une telle vitesse que Thibaut et moi avons été sous le choc lorsque, quittant Hué pour ramener la moto louée à Hoi An, ville où est passé l'oeil du typhon, nous avons découvert les ravages occasionnés par cette tempête sur les terres agricoles et les fragiles habitations de la campagne environnante...sans compter le bilan humain...



Bienvenues au coeur de la cité interdite de Hué, dont l'architecture aussi bien que les organisations spatiale et sociale, répondent à un ensemble de codes hérités du taoisme.



Chacune de ces gigantesques jarres est dédiée au règne des plus importants empereurs de la dynastie Nguyen.



Intérieur du temple dédié aux empereurs. Tous n'ont pas marqué la mémoire collective de la même manière. Certains pour leur bienveillance, d'autres pour leur mégalomanie et leurs procédés despotiques, un en particulier, l'empereur Minh Mang, pour son goût pour les femmes et les plaisirs de la chair (142 enfants). Le sang impérial coule d'ailleurs aujourd'hui dans les veines de nombreux habitants de Hué.



Porte menant à l'espace de vie des concubines de l'empereur.



Murailles de la cité impériale, construites sur le modèle des fortifications de Vauban.



L'une des portes d'entrée de la cité...



...sur laquelle sont incrustées d'impressionnantes mosaiques créées à partir de récup de vaisselle en céramique et de morceaux de verre. Un art qu'on retrouve souvent au Vietnam, aussi bien dans les temples que dans les anciennes bâtisses du pouvoir.



Tour bouddhiste à 7 étages, un chiffre sacré que l'on retrouve dans d'autres religions ou mythes.



Thibaut a retrouvé un ami, après la perte du premier un peu trop...entreprenant!




Fonderie où les statues destinées aux lieux de culte sont moulées. La chaleur est tellement insoutenable qu'il sont une quinzaine d'ouvriers à se relayer toutes les 3 minutes autour du feu.



Les tombeaux impériaux sont disséminés dans la campagne environnante et le long de la rivière des Parfums.



Les Mausolées sont conçus de telle sorte qu'il faut traverser de nombreuses portes et de nombreuses cours pour enfin accéder au tombeau de l'empereur. En général, ces édifications reposent sur des données géomanciennes très précises, et sur une habile cohabitation entre le minéral et l'eau, par la présence de nombreux bassins.









Imposante construction en pierre incrustée dans la colline...



...contrairement aux autres, ce tombeau est un vrai délire architectural. C'est l'empereur Khai Dinh qui en a décidé ainsi. Père du dernier empereur du Vietnam, il est célèbre pour ses goûts fastueux.



...baroque, le mausolée mélange des styles orientaux et occidentaux...



...il faut avouer que dans son extravagence, Khai Dinh a réussi à produire quelque chose de plutôt tripant.



Autres tombeaux, plus classiques...endroit idéal pour des photos de mariage!






Sur la route, nous sommes attirés par des champs religieux qui nous mènent à une pagode où est célébré un festival bouddhiste...



...certains hauts dignitaires se sont déplacés.



Offrandes



Confection artisanale d'encens.






Hué, 2 jours après le passage du cyclone...





Certains, loin de s'abattre, en profitent même pour pêcher dans les douves de la Cité impériale.






Le petit bonhomme, à gauche sur sa moto, c'est Thibaut. On a voulu faire les téméraires, après quelques centaines de mètres on a ruiné le moteur!



Malgré la tempête, le lendemain soir...



...les enfants de Hué, comme tous ceux du Vietnam, n'auraient manqué pour rien au monde le célèbre "festival de la lune".






Conçu pour les gosses, ces derniers paradent dans la rue en animant des lions mythologiques devant les commerces, en échange de quelques sous.



Les tambours résonnent dans toute la ville, et les jeunes qui se sont entraînés des semaines durant sont près pour faire leur show.






Le lendemain, l'eau s'étant à peu près écoulée, nous avons repris la route pour rendre la moto à Hoi An...et avons constaté, impuissants, les dégâts.