Armés de nos deux sac à dos, nous avons donc pris le minibus vers Tra Vinh, puis commencé notre périple vers les régions de l’Ouest. Sans itinéraire strictement prédéfini, nous sommes partis à la recherche de ce Viêt Nam rural et authentique dont nous ont tant parlé nos amis saïgonnais. Seule contrainte à ce trajet : traverser la province de Soc Trang, d’où est originaire mon père et ainsi attribuer quelques images à ces souvenirs qui m’ont été contés.
300 kilomètres en trois semaines n'a rien d'un exploit sportif. C'est surtout à cause des nombreuses cloques au pied que la progression fût en fait si lente. Mais les nombreuses pauses furent aussi l'occasion pour nous de mieux approfondir les spécificités des régions traversées. Et pour les novices en randonnée que nous sommes, ce fût a la fin une grande satisfaction de voir ce parcours realisé.
Au côté de la vendeuse de shampooings, une affiche assez démonstrative des risques liés a l'usage de la cigarette
Avant de rentrer dans le vif du sujet, on l'avoue tout de suite: lorsqu'on avait mal aux pieds, il nous est arrivé de nous laisser embarquer par les vietnamiens, pour qui l'idée de voir des Blancs marcher faisait vraiment pitie.
Mais une fois à bord, on pouvait ainsi se laisser bercer par la beauté des campagnes. Caro aperçoit ici l'entrée d'un temple khmer
Nous sommes en effet dans le pays khmer, où les cambodgiens représentent dans certains districts plus de 70% de la population. Quoi de plus normal pour cette région qui, trois millénaires durant, était dominée par les royaumes khmers. Dans l'enceinte d'une pagode, nous assistons à un cours de récitation des textes sacrés, auquel se mêlent apprentis moines et jeunes filles.
Lors d'une "pause soupe", cette petite fille nous fait la joie de réciter à son tour les chansons qu'elle a apprises à l'école
Dans cette région traversée par d'innombrables cours d'eau, les ferrys sont souvent l'unique moyen de passer d'un village à l'autre
Une des choses qu'il est évidemment le plus difficile de partager sur ce blog: le bonheur éprouvé pendant nos repas. Cette campagne est en effet si densément peuplée qu'il suffit généralement de marcher quelques centaines de mètres pour trouver une vendeuse ambulante qui puisse nous gratifier de ses spécialites culinaires. Sur cette photo, la galette jaune est le Banh Xeo (sorte d'omelette aux crevettes, aux lentilles et au soja qu'on enroule dans des feuilles de moutarde puis qu'on baigne dans le nuoc mam) et autres mets faits a partir du riz.
Dans la ville de Soc Trang: quand les pluies de la mousson nous barrent le passage, quelle autre solution que s'arrêter pour encore manger?
Dans la rue où a grandi mon papa, c'est la seule maison qu'il reste de l'époque coloniale et on se plaît à imaginer l'ambiance de cette époque révolue. Quelques minutes plus tard, nous serons accueillis par le proprietaires des lieux, très heureux de reparler le français, et qui nous explique que le passé bourgeois de sa famille a justifié qu'il ne puisse tout de suite récuperer sa propriété. Apres trente-quatre ans de travail paysan et de soumission vis-a-vis du pouvoir local afin de prouver sa "bonne foie prolétarienne", il fût en Avril 2009 enfin reconnu propriétaire légal. Désormais, il vit pauvrement avec sa famille entre les murs nus et délabrés de cette splendide maison francaise.
Autre rencontre émouvante: un vieux petit bonhomme au sympathique sourire édenté qui nous raconte dans un français parfait son passé de correspondant auprès de Paris Match et de la prestigieuse école française d'Extrême Orient. Après nous être quittés, je me détourne une dernière fois vers ce vieil homme à la chemise noircie et l'aperçois ramasser les déchets recyclables qui trainaient sur le trottoir. Je ne saurais dire pourquoi la misère des "déclassés" me touche davantage, mais je ne peux que constater les ravages et le gâchis provoqués par la persécution des propriétaires et des intellectuels dans laquelle s'est autrefois lancé ce pays.
Gentil dragon qui a bien voulu se laisser monter par ces petits garçons
Dans le delta, tous les moyens permettant de traverser les rivages sont bons à prendre... Au second plan, une petite église Cao Dai.
Apres la récolte du riz, vient la nécéssite de sécher les grains, qu'on étale ainsi au rateau là où l'espace est disponible.
Image qu'on trouve représentative des cuisines traditionnelles vietnamiennes.
Toilettes tout aussi traditionnelles dans le delta. Elles permettent à l'usager de se soulager tout en contemplant le paysage.
Les villages se forment souvent au carrefour des grand canaux. Ici, la petite ville de Cau Duyen, accessible seulement par bateau ou par moto, nous a donné une impression de "trou du cul du monde".
Ce qui n'empêche évidemment pas les vendeurs de cette ville de mettre l'accent sur l'esthétique de leur commerce.
Les moments de récupération sont toujours un moyen pour nous d'exercer nos rudiments de vietnamien. Les questions sont souvent les mêmes, alors nos réponses sont bien rôdées. Mais c'est toujours une immense satisfaction de pouvoir échanger avec les gens qu'on croise sur notre chemin.
Traversée d'une région où les champs d'ananas sont si nombreux, que sur les parterres de notre chemin les fruits poussent comme des mauvaises herbes.
Lorsque les canaux sont encombrés, la navigation est une véritable plaie pour les conducteurs de bateau qui embourbent leur hélice presque tous les vingt mètres.
Il n'y a finalement rien de mieux qu'un petit bateau à rame pour se faufiler dans les petits passages tranquilles de ce labyrinthe qu'est le delta
Mais comme ici rien n'est inutile, ces herbes encombrantes sont aussi récoltées...
... puis séchées au soleil, afin d'être utilisées à la fabrication des paillasses, sur lesquelles dort encore la majorité des familles rurales vietnamiennes
Tombeau enfoui entre les herbes
Rituel funéraire dans la petite ville de Go Quao. Au son des tambours, un "sorcier" cracheur de feu invoque la clémence des génies...
Après ces quelques acrobaties spectaculaires, femmes et hommes de la famille du défunt se joignent aux chants d'une prière. Puis le tombeau, précédé de son portrait, fera le tour du village afin que chaque membre de la communauté puisse célébrer sa mémoire, et que son esprit, par les fumées d'encens, imprègne à jamais le lieu.
Rencontre avec les élèves d'une école où (c'est une premiere pour nous!) le port de l'uniforme ne semble pas obligatoire
Jolie pagode khmère...
Exclusivité nationale! Le premier tag vietnamien! Trouvé lors d'une ballade dans un quartier chic de la ville balnéaire de Rach Gia. La révolution anarchiste est en marche, le parti n'a qu'à bien se tenir!
Eh oui, ici aussi ils jouent aux billes. Sauf que là, c'est pas un jeu pour les n'enfants. Sont pariés plusieurs dizaines de milliers de dongs, pendant qu'un guetteur prévient de l'arrivée de la police. Les vietnamiens privilégient les abords de rivières, où les armes du crime peuvent être discrètement jetées.
Herboristerie, où les médicaments sont préparés collectivement et bénévolement par les femmmes retraitées. Sur la photo, taillage des racines de curcuma
Temple dédié à la mémoire de Nguyen Trung Truc, un Jean Moulin vietnamien, qui avait soulevé le peuple contre l'oppression coloniale française au XIXe siècle. Pour l'appréhender, les Francais l'ont joué a la Jack Bauer puisqu'ils ont arrêté puis torturé sa famille afin d'obtenir la reddition du "terroriste", qui se rendit puis fût exécuté.
Scène en apparence joyeuse. Mais pour moi c'est un "rateau" puisque je leur demandais si elles voulaient bien m'épouser. Je cherche en effet à ramener comme souvenir des esclaves défiscalisées.
Intérieur d'une vieille pagode khmère...
...aux très belles fresques peintes sur bois
Tombeaux khmers
Bientôt l'heure du goûter!
Fin de journée pour les commerçants du marché de Rach Gia, qui vont bientôt pouvoir remballer avant de partir naviguer à la recherche de nouvelles marchandises
Dur dur la vie de chauffeur de pousse-pousse!
En pause dans une gargotte, nous sommes tous hypnotisés par une série dont le scénario tiendrait pourtant sur un carré de papier toilette
Les agriculteurs vietnamiens se mettent aussi aux pesticides!
Livraison du riz pour un village isolé
Adorable famille cambodgienne
Cette fois, ce sont des vietnamiens qui nous invitent à manger. Mais le prix à payer pour ces témoignages de générosité est d'accepter que pendant toute la durée du repas, les gens du village s'installent à nos côtés pour commenter ensemble chacun de nos gestes.
On nous explique cependant que, de mémoire d'anciens, jamais des étrangers n'avaient traversé leur village. Et puis, comment pourrait-on se lasser d'aussi jolis sourires?
[Caro prend le relais pour les commentaires...]
Stand de galettes fourrées de noix de coco et de riz (violet!). Comme tout les mets sucrés qui existent au Vietnam, celui-ci contient une overdose de sucre. Cependant, c'est suffisamment consistant au petit-dejeuner pour nous faire tenir toute la matinee. Marché de Bay Tre, petite ville proche de notre destination finale: le littoral Ouest.
Dans cette même ville, un imposant mémorial fut érigé en l'honneur de la population locale ayant contribué, de près ou de loin, à la victoire des révolutionnaires vietnamiens. Sur cet extrait d'une fresque longue de plus de 40 mètres, les opresseurs américains...
...n'auront pas raison de l'adresse et la ruse des résistants vietnamiens.
Ici, on est plus tout à fait dans le Delta du Mekong. Dans cette région situee a l'ouest du coeur du Delta, les canaux se font plus rares, et les luxuriants vergers se sont effacés au profit de rizières s'étalant à perte de vue.
Jeu d'échec chinois. Très populaire, il est pratiqué un peu partout et les hommes en sont très friands.
Ce vieil homme vêtu de facon traditionnelle, m'avait séduite par sa beauté. Cette photo n'en restitue pas bien les contours, mais son visage et son regard étaient d'une profondeur et d'une douceur telles qu'il semblait avoir ete épargné par le temps, dénué de sentiments d'aigreur ou de frustration auquel l'homme est parfois soumis au fil des années.
Echange avec des paysans à l'occasion de leur pause thé.
Nous voila arrivés sur le littoral Ouest du Sud Vietnam. L'occasion de traverser des villages de pêcheurs reculés, semblant presque vivre en autarcie.
Croyez-vous que ce géant blanc puisse faire peur à ces bambins réfugiés dans une petite maison de tôle?...
...Oh que non! Apres quelques temps d'observation, ils nous solliciteront tout au long de notre déjeuner, riant à gorges deployées et balbutiant les quelques mots d'anglais appris à l'ecole: "Hello!", "One you name?"...
Ce sont traditionnellement les femmes qui, au retour de leurs hommes, s'attachent a demêler, rafistoler, remettre les filets en état pour la prochaine pêche.
Enfants d'origine khmère. Minorite qui maintient une riche culture mais qui constitue la tranche pauvre de la population du Delta. Nous avons croisé cette jeune fille et ses petites soeurs à l'heure où les autres enfants sont à l'école.
Dans cette région pourtant reconnue plus prospère que les autres, nous avons constaté que l'agrilculture demeure peu mecanisée. Le buffle occupe encore une place déterminante dans les travaux des champs, notamment pour la phase du "labourage"...
Vraisemblablement, le buffle a d'autres vertus.
Petite pause méritée avec des enfants du coin.
Colline ravagée par le travail des pelleteuses qui extraient la pierre pour l'envoyer vers la grande cimenterie de la région
Dans les provinces du Sud, la culture de riz "inondée" se distingue de la culture sur brûlis par l'habile maîtrise des inondations naturelles
Deux familles khmères. Traversant le Delta en pleine période de recolte, nous avons été témoins d'une activité abondante et collective, qui impliquait la participation de tous les membres de la communauté. La phase de récolte étant encore très peu automatisée, elle nécessite en effet une main d'oeuvre importante. Toutefois, la réalite harassante de cette tâche semblait relativisée par des moments de rigolades et des "pauses thé".
Hon Chong, village de pêche situé entre Rach Gia et Ha Tien.
Plage Duong (Hon Chong), considérée comme la plus belle de la côte...
...question de point de vue...
Un stand proposant plein de curiosités... jugez-en par vous-même... tiens, je goûterais bien à l'espèce d'oiseau-reptile tout droit sorti de la préhistoire, qu'on aperçoit en bas.
Entree du temple "Chua Hang" niché dans les cavités naturelles de la roche.
Sur la façade des roches
Coucher du soleil sur la plage de Hon Chong...
...aucune retouche. En raison du climat tropical et donc de la densité des nuages, que ce soit en ville ou ailleurs, les couchers du soleil vietnamiens nous ont pour l'instant offert des dessins aux couleurs inoubliables.
En arrière plan, une pagode de bonzesses dans la ville de Ha Tien, lieu de départ pour l'île de Phu Quoc qui symbolise aussi la fin de notre périple pédestre.
Dans l'enceinte de la pagode. Dès que le relief le permet, les établissements religieux s'érigent immanquablement en hauteur de l'activité humaine.
Les stands de fruits de mer et de bière font partie des incontournables lorsque les vietnamiens sortent le soir entre amis. Moment de tendresse avec son petit-fils avant l'arrivée des premiers clients.
Bonze khmer devant son temple. Son ami à gauche tirait un peu trop sur la bouteille!
Départ pour l'île de Phu Quoc. 3 heures de trajet en mer houleuse nous attendent, à bord d'un bateau tout en bois, au confort... plus que sommaire. Bonne expérience intestinale.
Nous accostons à Duong Dong, plus important port de pêche de l'ile.
Lorsqu'on s'enfonçait dans les terres, les épaisses forêts dissimulaient de superbes bains naturels.
Pont à la Indiana Jones... avec le précipice en moins.
Les chiens de Phu Quoc, qui se reconnaissent à leur crête sur le dos. Ils sont très prisés par les vietnamiens, mais sont assignés à residence sur l'ile au nom du maintien de la race pure...
Avec le Nuoc Mam (sauce de poisson tres présente dans la cuisine vietnamienne), le poivre fait partie des principales productions de l'île.
Le typhon qui a traversé l'île durant notre séjour donnait à cette nature encore sauvage, un charme particulier.
Moment de répit entre les tempêtes
La pêche demeure l'activité principale de l'île autour de laquelle s'affairent les familles.
Moyen de torture des prisonniers de Phu Quoc. Les têtes brûlées du pénitencier étaient emmenées dans ce boyau de fils barbelés, condamnées à griller sur place pendant la journée...
...autre variante, la cage en tole. Conçue pour être asphyxiante de chaleur en journée et glacée la nuit. Sympa!